Laura Cahen, chanteuse et compositrice, se produira en concert à la salle Europe (Colmar), le 5 décembre 2025. Elle présentera son 3e album, De l’autre côté, un opus pop-folk empreint de poésie. Les dix morceaux déroulent une histoire qui fait écho à l’actualité et qui invite à rêver. Interview.
Après deux premiers albums (Nord et Une fille) et un EP de duos (Des filles), Laura Cahen figure désormais comme une artiste incontournable de la scène française.
Elle a sorti en 2025 un nouvel album salué par la critique en France comme à l’international, intitulé De l’autre côté. La chanteuse et guitariste, née à Nancy, déploie dans cet opus toute la délicatesse de ses compositions et de son écriture. Sa voix céleste, à l’aise dans les aigües, parcourt l’ensemble. Les images maritimes sont foisonnantes, l’album ayant été écrit en partie en Normandie. De l’autre côté a été produit par Mike Lindsay dans son studio à Margate au Royaume-Uni, avec Joséphine Stephenson.
L’album De l’autre côté raconte une histoire, celle de deux femmes qui tombent amoureuses et qui s’enfuient. Comment est née cette histoire ?
Laura Cahen : « Elle est née au fur et à mesure de l’écriture des chansons. J’ai remarqué qu’il y avait un lien entre elles, alors j’ai comblé les trous. Elles sont tirées de mon imagination, de ce que l’on traverse aussi. Car l’amour de ces deux femmes n’est pas autorisé, et le monde brûle. Elles fuient les désastres écologiques et les gouvernements de plus en plus totalitaires pour créer quelque chose plus doux, “de l’autre côté”. »

Chaque album doit-il raconter une histoire ?
L. C. : « Pas forcément. Je vois plutôt les chansons comme des photos, des tableaux poétiques, qui chacun évoquent une émotion ou un paysage. Là, pour le dernier, j’avais envie que chaque tableau fasse un film. »
Comment s’est passé le travail avec Joséphine Stephenson et Mike Lindsay, dans le studio à Margate ?
L. C. : « Chacun avait un rôle défini. Joséphine, multi-instrumentiste, était la responsable des notes, des arrangements. Elle avait une vision détaillée des chansons, comme si elle écrivait de la dentelle. Mike était le faiseur de sons. Il suggérait des instruments à prendre en main pour telle ou telle ligne. Son studio est une caverne d’Ali Baba, il contient par exemple plein de synthétiseurs des années 1970. Et moi, j’avais la vision globale de l’album, je m’assurais de préserver les émotions. »
Ce troisième album représente-t-il un cap artistique ? Vous a-t-il permis d’évoluer en tant que compositrice ?
L. C. : « Oui. Je suis vraiment heureuse d’avoir fait ce disque. Il a été co-réalisé avec Joséphine Stephenson et Mike Lindsay, on était sur un pied d’égalité. On s’est amusé.
J’ai l’impression de m’être rapproché des choses que j’aime écouter.
Mon envie est d’aller de plus en plus vers l’épuré, la simplicité, et vers la voix parlée. Dans les albums précédents, les morceaux avaient plutôt des structures pop. Dans celui-ci, je me suis autorisé plus de libertés : on trouve des chansons sans refrain, à 7 temps, ou qui ont des outros à rallonge. J’en suis fière. »
Quel morceau en particulier vous rend la plus fière ?
L. C. : « C’est difficile de choisir ! J’aime beaucoup l’entrée en matière, “Les astres”, qui est un morceau sans refrain et à 7 temps. Je suis aussi très fière de la dernière chanson, “Puisque tu pars”.
Quelles sont vos influences artistiques ?
L. C. : « Pour cet album, je citerais Laurie Anderson, Steve Reich, Linda Pehracs, Joni Mitchell, Radiohead, Brigitte Fontaine, Nick Drake. Pour les textes, certains auteurs-compositeurs et autrices-compositrices m’inspirent, comme Bertrand Belin, Alain Bashung, Anne Sylvestre. »
Vous écrivez vos textes et composez votre musique. Qu’est-ce qui vient en premier ?
L. C. : « C’est comme un tissage. J’écris avec ma guitare en main : les mots entraînent la mélodie ou bien la mélodie entraîne les mots. Quand j’ai commencé à composer des chansons, j’écrivais d’abord le texte. Puis, avec mon premier album, c’était l’inverse. Plus ça va, plus je fais les deux en même temps. J’ai envie de faire en sorte que les deux aillent ensemble, de donner l’impression que ça ne peut pas être autrement. »
À quel âge avez-vous écrit vos premières chansons ? Quel a été le déclic ?
L. C. : « J’ai commencé à écrire des chansons à l’âge de 15 ans. Jusqu’à ce moment-là, j’étais accablée de tristesse par le fait de ne pas réussir à écrire de chanson. Ça me paraissait être une montagne ! Un jour, je ne sais pas. J’ai mis deux trois mots ensemble et je les ai chantés, puis j’ai continué. Il suffit de se lancer ! Écrire une chanson, en fait, ce n’est pas compliqué. Mais la rendre intéressante peut l’être.
Parfois, je bloque, je ne trouve pas de mot. Alors je prends une page blanche et j’écris pendant 20 minutes, comme le faisaient les surréalistes avec l’écriture automatique. Ça libère des choses. »
Laura Cahen, en concert à la salle Europe le 5 décembre 2025. + d’infos et billetterie : salle-europe.colmar.fr
