Jocelyn Haumesser et Lionel Dalla Costa ont pioché parmi les vinyles disponibles à l’emprunt à la médiathèque de Colmar.

Vinyles de la médiathèque : la sélection de Hiéro Colmar

À l’occasion de son festival Supersounds (du 11 au 29 novembre 2023), la Fédération Hiéro Colmar a composé une sélection de six disques vinyles. Des albums que deux membres ont pris le soin de chercher parmi les bacs du Pôle média-culture Edmond-Gerrer. Et qui dénotent leur sensibilité…

Hiéro Colmar et les auteurs de cet article

La Fédération Hiéro Colmar est une association culturelle officiant depuis 1992. Elle propose des concerts, projections de films, résidences d’artistes et autres moments de convivialité incontournables tels que le Festival du Natala, et ce tout au long de l’année, en ayant toujours à cœur une certaine diversité artistique et la volonté de mettre l’accent sur la découverte. Lionel Dalla Costa et Jocelyn Haumesser sont tous deux bénévoles ou membres du comité de direction et de programmation, depuis environ une quinzaine d’années chacun. Leur sélection de vinyles, piochés dans les bacs du Pôle média-culture Edmond-Gerrer de Colmar, s’est notamment faite sur la base d’artistes programmés par Hiéro Colmar au fil des années. Découvrez-la en préambule de leur festival annuel Supersounds, qui se déroule du 11 au 29 novembre 2023, avec une programmation de concerts qui comprend des artistes tels que les Norvégiens d’Arabrot ou encore l’illustre Holly Golightly.

Jocelyn Haumesser : ombre et couleurs

Nick Cave and the Bad Seeds – “Henry’s Dream”

L’australien Nick Cave, apôtre du rock sombre à la voix caverneuse, accompagné de ses mauvaises graines (Bad Seeds), n’en finissent plus de fasciner et ravir les fans toujours plus nombreux. Ils sévissent depuis 1983 et ce pour notre plus grand plaisir.
C’est en 1992 que paraît “Henry’s Dream”, un album que Nick Cave dira très inspiré des nombreux mendiants qu’il voyait dans les rues – au Brésil où il vécut un temps – faire de la musique de manière assez violente et peu musicale. On dit aussi de ce disque que c’est, en quelque sorte, un album-concept car Nick Cave nous y raconte plusieurs histoires qui s’entrecroisent dans les chansons. Pas le plus connu des enregistrements de Nick Cave et pas le préféré de son auteur, il recèle néanmoins quelques pépites telles que la lancinante ballade “Loom of the Land” ou le plus sauvage “Jack The Ripper”.
Au fil des années, Hiéro aura programmé plusieurs des musiciens des Bad Seeds, parmi lesquels on peut citer Hugo Race, Warren Ellis avec son groupe Dirty Three, Kid Congo et James Johnston aux côtés de Lydia Lunch dans The Big Sexy Noise, ainsi qu’avec son groupe Gallon Drunk. Nick Cave étant un fan de Matthias Grünewald, peut-être viendra-t-il un jour à Colmar admirer le fameux retable d’Issenheim, au Musée Unterlinden, en nous proposant au passage un petit concert ? On peut toujours rêver…

And Also The Trees – “The Millpond Years”

And Also The Trees, un nom encore insuffisamment connu, tout particulièrement en Angleterre, leur pays d’origine. Le plus mythique des animateurs radio, John Peel, les disait « trop anglais pour les Anglais ». Néanmoins, depuis 1979, And Also The Trees a acquis un statut de groupe « culte » et leur cold wave très romantique et poétique fait désormais référence pour les amateurs du genre.
“The Millpond Years”, sorti en 1988, est un disque aux atmosphères gothiques, funestes et mélancoliques. L’ombre d’Edgar Allan Poe n’est jamais bien loin. Titre après titre, Simon Huw Jones, le très théâtral chanteur du groupe, ensorcèle l’auditeur de sa voix profonde, faisant passer ses textes pour des incantations. Justin Jones, à la guitare, affirme déjà son style de jeu très singulier que l’on compare souvent à une mandoline. Un disque d’une séduisante beauté noire qui n’a aujourd’hui aucunement perdu de sa superbe.
C’est en 2009 que Hiéro programme le groupe qui se produit, en acoustique, dans le cadre atypique du Musée du Jouet. Un moment hors du temps et une belle illustration de la capacité de l’association à investir tous types de lieux, y compris les plus improbables, ajoutant ainsi un cachet supplémentaire à l’expérience du live, pour le spectateur comme pour l’artiste.

Run The Jewels – “Run The Jewels”

Paru en 2013, voici le tout premier album du groupe de hip-hop américain Run The Jewels. Composé du duo de rappeurs EL-P et Killer Mike, deux vétérans du rap, le groupe s’est imposé en dix ans comme un incontournable, et internationalement qui plus est. La parfaite association de deux artistes confirmés qui savent véritablement travailler ensemble.
Initialement publié gratuitement sur le net, tout comme les suivants, c’est l’album qui pose les bases du son Run The Jewels. Un hip-hop puissant, énergique et percutant, alliant des rythmes old school bien efficaces, à des sonorités plus modernes. On retrouve ici quelques invités de choix avec Big Boi, du duo Outkast, ou encore le producteur Prince Paul qui a déjà travaillé avec De La Soul.
Pourquoi avoir choisi ce disque qui dénote dans ma sélection ? Non pas car Hiéro a déjà programmé ces artistes, mais plus pour illustrer l’éclectisme musical de l’association qui n’a pas qu’une seule couleur. Au gré des salariés et des membres, les genres programmés sont relativement variables et j’ai pour ma part fait une bonne partie de ma culture hip-hop grâce à Hiéro, notamment du fait d’un ancien salarié, Jérémie Fallecker, que les Strasbourgeois connaissent bien puisqu’il les abreuve depuis des années en hip-hop de qualité via l’association Pelpass.

Lionel Dalla Costa : pour l’amour du rock

Dominique A – “La fossette”

Sorti en 1992, c’est le premier album de Dominique A sur le label Lithium. Autoproduit, il paraît en toute confidentialité à 150 exemplaires et est enregistré sur un magnétophone quatre pistes à cassette. Il sera réédité à plusieurs reprises notamment à l’occasion de l’anniversaire des 20 ans de sa sortie initiale. Cet album marque un virage, une nouveauté dans la chanson française mêlant thèmes intimistes souvent noirs et sentiments amoureux insatisfaits, portés par l’écriture.
En 1994, Dominique A est venu pour la première fois à Colmar, à la MJC, pour un concert produit par la fédération Hiéro, accompagné des Diabologum et de Perio. Il reviendra ensuite pour l’édition 2009 du festival Supersounds, au Grillen.
À noter qu’en avril 2022, Hiéro a eu l’idée d’une résidence Lithium d’une semaine avec concert de restitution de l’ensemble des Diabologum dont le chanteur charismatique Michel Cloup mais aussi Pascal Bouaziz (Mendelson, Bruit Noir) ainsi que Francoiz Breut accompagnés des Strasbourgeois de Sinaïve (post-punk).

Miossec – “Baiser”

Avec Dominique A, il est l’un des artistes ayant participé à définir la nouvelle scène française au milieu des années 1990. Christophe Miossec a exercé différents métiers dans la presse écrite avant de se consacrer à la musique.
Textes crus, musique brute, personnalité provocante et attachante, Christophe Miossec est venu pour la première fois en concert à la MJC de Colmar, produit par la fédération Hiéro avant même la sortie de son tout premier album “Boire” en 1995.
L’album “Baiser” sortira lui en 1997 avec notamment le titre “Salut les amoureux”, reprise de Joe Dassin et utilisé pour la bande originale du film “J’ai horreur de l’amour” de Laurence Ferreira Barbosa. Avec les bénévoles de l’association Hiéro, on se souviendra d’une partie de foot avec lui et ses acolytes dans l’espace verdoyant de cette MJC. En toute décontraction et bienveillance.

Compilation “10 ans de rock à Bordeaux”

Pour célébrer l’anniversaire du label indépendant “Bordeaux rock” et en lien collaboratif avec le cultissime disquaire bordelais “Total heaven”, cette compilation regroupe dix formations qui ont agité le rock indépendant de 2004 à 2014. La liste des morceaux balaye toutes les esthétiques et dresse un large panorama qui prouve une nouvelle fois que Bordeaux a été et reste encore une place forte du rock.
De nombreux groupes présents sur cette compilation se sont produits dans notre ville, invités par la Fédération Hiéro Colmar. Notamment :

  • The Magnetix, à l’ancien cinéma indépendant d’art et d’essai Le Colisée, en 2009.
  • JC Satan, signé sur l’excellent et culte label indépendant français « Born bad records », au Grillen en 2013.
  • François and the Atlas Mountains, au Musée du jouet, en 2014.
  • Le chanteur et multi-instrumentiste Kim, avec la participation des Herman Düne à l’occasion de leur résidence et la sortie de l’album “The Colmar tapes”, au Grillen en 2004, puis en solo au café Libellule en 2016.

Les échos des archives…

Le chanteur Dominique A a donné son premier concert à Colmar, à la MJC, le 22 octobre 1994. Cette soirée, proposée par la fédération Hiéro, était complétée par la prestation de deux autres groupes, Perio et Diabologum.
L’Alsace du 26 octobre 1994 faisait part de ses impressions sur le concert de Dominique A : « Dès les premières notes, le public s’émerveille et demeure attentif donnant l’impression qu’on a affaire à un maître de conférence. Son chant en français et sa musique transmettent davantage de frissons que de contorsions. »

Prêt de vinyles : mode d’emploi

Le Pôle média-culture Edmond-Gerrer de Colmar offre un large de choix de vinyles à emprunter. Plus de 1100 disques attendent les abonnés. Des albums de pop, rock, jazz, blues, soul, chanson française ou musique de film, des années 1950 à aujourd’hui…

Il est possible d’emprunter jusqu’à trois disques vinyles à la fois, pour une durée d’environ quatre semaines renouvelable une seule fois. Ils ne sont pas réservables en ligne et doivent être sélectionnés sur place. Une charte d’engagement doit être signée par l’utilisateur.

+ d’infos : bibliotheque.colmar.fr

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