Né à Colmar, l’accordéoniste Charles Kieny marche souvent en dehors des sentiers battus, n’hésitant pas à expérimenter. Le 23 septembre 2025 au Colmar jazz festival, il se produira avec son ensemble de jazz moderne CrozPhonics (accordéon et deux violoncelles). Portrait.
Charles Kieny ©Manuel Braun Le trio CrozPhonics ©Ya-Heng Judy Chen
« Je me réveille chaque jour avec de la musique, en demandant à mon application de streaming de choisir un titre au hasard dans ma bibliothèque. » C’est la musique qui rythme les journées de Charles Kieny, dès les premières secondes. Pour l’accordéoniste de 33 ans, cela coule de source. « Quand j’ai dû choisir mon orientation, à 18 ans, je me suis rendu compte que c’est le seul truc qui me donnait envie de me lever tous les matins. »
Pourtant, de son propre aveu, Charles Kieny a commencé « en dilettante ». « Ma grand-mère de Sélestat a posé un vieil accordéon poussiéreux sur mes genoux quand j’avais 6 ou 7 ans. C’était un hobby. Je prenais des cours collectifs chez un professeur installé à Sundhoffen. On était plusieurs gamins à tous jouer la même chose. Moi, qui étais pourtant introverti, j’adorais ça. »
Son inextinguible amour de la musique s’étoffe à l’adolescence. Le jeune homme, né à Colmar, grandit à Fortschwihr puis en Guadeloupe. « J’ai découvert le rock, le métal, le funk. Et j’ai pris de cours de batterie à partir de 15 ans. » Mais son instrument d’enfance vient à nouveau taper sur son épaule. « L’accordéon est remonté jusqu’à mes doigts d’adulte et a repris le dessus. »
« Qu’est-ce que j’ai envie de voir et de ressentir ? »
Le jazz débarque ensuite comme une révélation dans sa vie, pendant ses années lycée, à l’occasion d’un concert. « L’atelier de la classe de Giulio Rubino jouait aux Tanzmatten à Sélestat. C’est la première fois que je voyais du jazz en live, et ça a été un véritable choc, en particulier quand j’ai entendu l’interprétation de “Night in Tunisia”. Ce morceau inclut un break pour le saxophoniste : tout le groupe s’arrête pour laisser la place à cet instrument. C’était très impressionnant », se réjouit-il. « Pour moi, le jazz a ce côté “zéro limite”, il est synonyme de liberté absolue, de créativité, et titille l’intellect. »
Charles Kieny se forme au Conservatoire de Colmar, au Conservatoire de Metz, au Centre des musiques Didier Lockwood et, pendant 3 ans, au Conservatoire national supérieur de musique (CNSM) de Paris. La recherche de textures musicales, l’exploration sonore, en dehors des sentiers battus, voilà la patte de Charles Kieny. « Je me suis toujours demandé : “Qu’est-ce que je n’ai jamais entendu et qu’est-ce qui me surprendrait ? Qu’est-ce que j’ai envie de voir et de ressentir” ? »
Il fusionne alors ses univers musicaux de prédilection : « Je me suis dit : pourquoi n’essaierais-je pas d’amener l’accordéon dans les musiques rock et métal ? » Un concert de l’accordéoniste Vincent Peirani lui apporte une validation. « À l’âge de 20 ans, j’ai eu la chance d’assister à sa prestation au Marly jazz festival pour le premier album de son groupe Living being. Il proposait quelque chose de complètement inédit, il explorait des chemins que je voulais explorer. Et il a une énergie de fou. » Plus tard, Charles Kieny crée CKRAFT, un quintet instrumental qui intègre savamment l’accordéon dans une musique métal. En 2022, le groupe publie son deuxième album Uncommon grounds, salué par la critique.
Adepte de l’improvisation, l’accordéoniste a en lui le désir de créer et de composer. À la suite de masterclass suivies à l’Académie musicale de Villecroze (Var) entre 2015 et 2018, il fonde avec deux violoncellistes l’ensemble CrozPhonics, un ensemble de jazz moderne qui se produira au Colmar jazz festival en 2025 (lire en encadré).
Charles Kieny semble être engagé dans une quête musicale qui n’a pas de fin : il marche, découvre, absorbe des esthétiques, des influences, tout en prenant soin de créer, composer et improviser, en toute liberté. Avec, toujours, le même rituel matinal : le titre sélectionné par son application au réveil. « Et à 90%, c’est soit du métal, soit du jazz. »
Plus d’infos : charleskieny.com
Le jazz va à nouveau résonner dans les moindres recoins de la ville de Colmar, du 18 au 28 septembre 2025. Retrouvez la programmation complète sur colmar.fr/jazz
CrozPhonics au Colmar jazz festival
Avec l’ensemble CrozPhonics, Charles Kieny, à l’accordéon, est rejoint par deux violoncellistes, Lina Belaïd et Sary Khalife. L’idée pour ce projet est née à l’Académie musicale de Villecroze (Var), à l’occasion de masterclass dirigées par le violoncelliste Vincent Ségal et les accordéonistes Vincent Peirani et Richard Galliano, entre 2015 et 2018. « C’était un vrai coup de cœur pour moi d’être assis autour des violoncelles et de mélanger ces sons. Il y a une grande richesse dynamique. Avec le violoncelle, on peut descendre dans des mouchoirs de poche et se retrouver dans des nuances délicates. Et poser l’accordéon là-dessus, c’est super. »
L’ensemble de jazz moderne sera en concert au Colmar jazz festival. Un vrai bonheur pour le Colmarien d’origine, qui n’est pas étranger au festival : en 2024, il a joué à la fois au festival “in” mais aussi au Jazz off. « Je suis né ici. Mon amour de la musique a commencé dans ces 10 km². Venir présenter mon projet devant ce public, cela remplit mon cœur de joie. »