En février 2025, Colmar célèbre les 80 ans de sa libération. Gérard Welchlin avait 11 ans le 2 février 1945, quand Colmar a été libérée du joug nazi, alors que la Seconde guerre mondiale faisait rage. Il se souvient de la peur, de l’anxiété, puis de la joie qui s’est emparée de la ville quand les libérateurs sont arrivés.
Benjamin d’une fratrie de 4 enfants, Gérard Welchlin est né à Bennwihr-gare le 21 juin 1933. Mais c’est au 33 rue de Bruxelles, à Colmar, qu’il a vécu certaines des années les plus singulières de sa vie. Une maison où il habite depuis l’âge de 2 ans.
La vie pendant la Seconde Guerre mondiale est marquée par des déchirements. Son grand frère Robert, plus âgé de 7 ans, est enrôlé de force dans l’Arbeitsdienst (service obligatoire du travail) puis incorporé dans l’armée SS. « Il n’avait pas le choix », souligne Gérard. « Il a fait la campagne sur le front de l’Est. Puis, avec trois autres camarades, il a déserté.
Mes parents ont reçu une carte rouge, signifiant que mon frère était déserteur et que la famille était considérée comme complice. Mes parents, ma sœur et moi étions en proie au désarroi. » Jean-Paul, qui a 4 ans de plus que lui, a été enrôlé de force dans la Hitlerjugend (Jeunesse hitlérienne) et envoyé dans un camp à Überlingen. Il revient à Colmar peu de temps avant la libération de la ville, quand l’armée allemande est en débâcle. « Mon père a été appelé à creuser des fossés anti-chars à Rauwiller, près de la Moselle », ajoute Gérard Welchlin.
Les absences s’accumulent. « Ma mère avait un mari absent, un fils absent et un autre fils déserteur. » Dans leur maison, une chambre est réquisitionnée pour héberger un officier allemand. « Il faisait la loi », lance le Colmarien. L’annexion de l’Alsace s’accompagne d’une germanisation de la société, dans tous les domaines. « On ne pouvait pas dire bonjour en français, on ne pouvait même pas porter de béret ! »
Un Américain s’installe au piano
À partir de l’automne 1944, la famille est obligée de vivre dans la cave, comme les autres habitants de la rue. Sa mère, Madeleine, sa soeur, Suzanne, et lui y dorment la nuit, à cause des tirs. « Les Allemands livraient des lits superposés. » Les Welchlin accueillent également une voisine, qui avait un chien et un canari… « à une seule patte ».
Cette période est marquée par l’anxiété. « On se demandait : quelque chose va-t-il se passer ? Bien sûr, cette peur était encore plus flagrante chez les adultes, mais les enfants l’ont subie aussi. La voisine demandait : “Croyez-vous que nous aurons une fin heureuse ?” »
« Le 2 février, tôt le matin, on entend une voix : “On est libres ! On est libres !” On n’était pas rassurés car dans la rue, ça bombardait », raconte Gérard Welchlin. « Mon frère Jean-Paul et moi sommes sortis. Il y avait une trêve. Mais les tirs ont recommencé. Et puis un char est passé. Les Américains sont arrivés progressivement. L’un d’entre eux est rentré chez nous, il a vu notre piano et s’est précipité ! Il a joué des airs d’opéra que l’on connaissait bien. Nous, on dansait !
C’était la joie totale : il n’y avait pas une maison qui n’avait pas le drapeau français ! » Après plus de 4 ans d’occupation, de restrictions et de peur, les habitants retrouvent enfin la liberté. Le 3 février, Gérard Welchlin rend visite à sa tante, à Horbourg-Wihr. Sur le chemin, il porte fièrement un calot d’aviateur, déniché par sa mère à la maison.
Après la guerre, si Gérard Welchlin a travaillé comme clerc d’avocat, il s’est aussi engagé pour le monde associatif. C’est un acteur passionné, qui fait partie de l’association du Théâtre alsacien de Colmar (TAC) depuis 1947.
L’école sous l’occupation allemande
Pendant la Seconde guerre mondiale, en Alsace, les noms des écoles sont germanisés et les leçons se font en allemand. Gérard Welchlin, par exemple, fréquente la Herbert Norkus-Schule (actuelle école Jean-Jacques Rousseau située place de l’École). « On apprenait des chants, surtout patriotiques, dont “Die Fahne hoch” (lever des couleurs) », continue Gérard Welchlin. Au programme des cours de sciences naturelles : ramassage de feuilles et de plantes médicinales. Les élèves sont mis à contribution pour diverses tâches. « On devait collecter des métaux, des os, chiffons, etc. On nous sollicitait même pour la chasse aux doryphores », ces insectes qui ravagent les cultures de pommes de terre.
« Lors des discours tenus au sein de l’école, on devait crier “Sieg Heil” et brandir le bras droit [le salut fasciste, Ndlr.]. Gare à ceux qui n’y participaient pas, les sanctions étaient sévères. »
Le Colmarien change ensuite d’école et intègre la Hauptschule (actuel collège Victor-Hugo). Puis vient la libération : l’enseignement est à nouveau en français. « C’était difficile et compliqué d’aller de l’allemand au français. On apprenait “La Marseillaise” avec ses nombreuses strophes. »
Du 31 janvier au 3 février 2025, la Ville de Colmar et Colmar Agglomération offriront un hommage populaire d’ampleur à l’occasion du 80e anniversaire de la libération de la Poche de Colmar.
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