Jusqu’au tournant des années 2000, le secteur du Grillenbreit n’avait pas l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui. Sur ce site s’étendait l’usine textile Berglas-Kiener, implantée en 1830 et liquidée en 1995. Ce passé industriel, indissociable de l’histoire de la ville, reste visible.
Il suffit de tirer un fil, et l’histoire industrielle du Grillenbreit refait surface. « À l’époque, tu parlais de BK, c’était quelque chose… et puis il y avait des générations qui travaillaient là-dedans » Cette phrase, c’est celle d’un ouvrier qui a travaillé à l’usine Berglas- Kiener, et qui a été collée en lettres blanches sur les vitres de l’actuelle Bibliothèque universitaire du Campus Colmar appelé également Learning Center Colmar (construit sur le site de l’usine).
Dans le hall d’entrée de ce même bâtiment, une monumentale photo d’ouvriers accueille les visiteurs. Constituée de briques rouges, la cheminée de l’usine fait ici partie des murs, sa base ayant été intégrée à la bibliothèque. Là aussi, tout du long, la phrase d’un ouvrier ressort en grand : « Il y avait des crochets dans la cheminée, j’ai mis de vieux habits, j’ai été en haut, le pire c’était de descendre. »
Autour d’elle, les étudiants déambulent, lisent, surfent sur le web, font des recherches, parlent à voix basse. Mais la bibliothèque, porte la mémoire du site.
J’ai toujours ce passé industriel en tête
Elisabeth Thiéry, bibliothécaire assistante spécialisée
Elle était présente au moment de l’ouverture de cette bibliothèque, en 2001. Au moment de la construction, un effort de conservation de la mémoire a été entrepris. Il a été initié notamment par Annie Schaller, ancienne directrice du service commun de documentation de l’Université de Haute-Alsace, avec le cabinet TOA Architectes et Benoît Bruant, professeur de muséologie à l’UHA.
Outre la conservation de la cheminée, des machines et des outils ont été préservés et des paroles d’ouvriers recueillies. « J’ai toujours ce passé industriel en tête », raconte Elisabeth Thiéry. « J’ai élaboré un escape game sur ce thème : les énigmes tournent autour de l’usine Berglas-Kiener. Je l’ai proposé pour la première fois en 2018, à l’occasion du Marathon du droit. » Du haut de ses 52m, l’immanquable cheminée scrute Colmar.
C’est un phare, un repère. « Quand je préparais le duathlon de l’UHA, qui a eu lieu en mars, on me disait : « Quand tu verras la cheminée, c’est que tu seras bientôt arrivée », sourit Elisabeth Thiéry.
Depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, cet ancien site industriel n’a cessé d’évoluer. Les bâtiments de brique rouge, le long de la rue des Jardins, accueillent aujourd’hui une variété d’activités : le centre de formation de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), le Grillen (salle de musiques actuelles), le pôle sportif du Grillenbreit, les archives municipales, des ateliers municipaux, mais aussi des commerces, une brasserie, etc.
De génération en génération
Il parle malicieusement d’une « malédiction familiale » concernant son lieu de travail. David Hild est régisseur général au Grillen, la salle de musiques actuelles de la Ville de Colmar.
Il connaît bien ces murs, pour y travailler parfois jusque tard dans la nuit. Mais son histoire familiale s’y écrit aussi. Son grand-père et son père ont tous les deux travaillé dans les usines Berglas-Kiener, qui se trouvaient à cet endroit. « Mon grand-père était menuisier. Il a fait rentrer mon père, qui avait un diplôme de mécanique pour machines textiles. Mais il n’est pas resté longtemps. » Dans l’actuel bâtiment de la salle de concert se trouvait autrefois l’une des chaufferies des usines. Aujourd’hui, le couloir des loges, réservées aux artistes, reste partiellement constitué d’un vestige de la deuxième cheminée.