Né en Afghanistan, Haroon Rahimi a quitté son pays en 2016 puis s’est formé à la viticulture en France.
Il a tracé son chemin jusqu’à s’installer comme vigneron à Niedermorschwihr.
C’était à Kaboul, en 2015. Dans l’atelier d’un artiste peintre, Haroon Rahimi goûte à l’alcool pour la première fois. Une dégustation clandestine, faite en présence de membres de sa famille et d’amis, alors que l’alcool est strictement interdit dans son pays. Seules quelques bougies éclairent la pièce. Encore aujourd’hui, assure-t-il, il s’agit du meilleur vin qu’il n’ait jamais bu.
Haroon Rahimi est né à Mazâr-e Charîf, au nord de l’Afghanistan, il y a 27 ans. Mais là-bas, sa vie est en danger. « J’ai survécu à des explosions, des tirs », raconte-t-il. Le jeune homme débarque à Paris en 2016, avec le statut de réfugié. Il s’inscrit en CAP hôtellerie restauration dans la capitale. Curieux par nature, au détour d’une recherche Internet, il tombe sur une description du cépage grenache noir. Le coup de foudre. « C’était de la poésie, de l’amour, de la joie. » Il éteint l’ordinateur, regarde par la fenêtre et prend une décision : il deviendra vigneron.
« Un endroit de rêve »
Haroon Rahimi part à Perpignan pour suivre un Bac pro vignes et vin. Par intérêt pour la biodynamie, il déménage ensuite en Alsace et réalise un BTS viticulture auprès du producteur Laurent Bannwarth à Obermorschwihr. Mais c’est à Niedermorschwihr que Haroon Rahimi développe ses racines. « En allant visiter les Trois-épis, j’ai vu une annonce sur ce grand portail », détaille le passionné d’objets anciens, devenu locataire de l’endroit. Ce fameux portail en bois s’ouvre sur une bâtisse en vieilles pierres. Ses vignes se trouvent à côté. « C’est un endroit de rêve. »
Son domaine, Harjane, est créé en 2023. Il compte maintenant 2,5 ha de vignes.
Le viticulteur, qui propose des vins blancs et rouges, aime expérimenter. Véritable âme solitaire, il cherche la connexion avec la terre et le vivant. Dans cette quête, la musique l’aide beaucoup.
« Je travaille en écoutant de la musique, du matin au soir. »
La nuit, certaines images viennent le hanter. « Je fais des cauchemars dans lesquels les chars des Talibans* descendent de la colline et viennent me chercher. » Arrivé en France il y a 9 ans, il dispose d’un titre de séjour de 10 ans qui expire l’année prochaine. « Tout ce que je fais aujourd’hui, c’est pour l’Alsace et pour la France. Mais je n’oublie pas d’où je viens », assure-t-il. « Dans environ 80 % de mes vins, je retrouve des souvenirs d’Afghanistan. Ils sont ma madeleine de Proust. » Et sur ses barriques, l’artiste écrit des poèmes en langue dari.
Plus d’infos : harjane.fr
*Organisation fondamentaliste islamiste formée en 1994 qui a pris le pouvoir en Afghanistan en 2021.