Quai des Dominicains avec la Cathédrale en arrière-plan, fin du 19e siècle (Archives municipales de Colmar / DR)

À Colmar, les cours d’eau charrient des siècles d’histoire

Fecht, Muhlbach, Sinnbach, Lauch… Les cours d’eau s’inscrivent dans le quotidien des habitants de Colmar depuis le début de l’histoire de la ville. Détournés, canalisés, fermés puis remis au jour, ils l’ont même façonnée. Retour sur l’histoire de ces rivières, ruisseaux et fossés qui parcourent la ville.

Quai des Dominicains avec la Cathédrale en arrière-plan, fin du 19e siècle (Archives municipales de Colmar / DR)

À Colmar, les cours d’eau constituent une véritable richesse. Comme dans le reste de l’Alsace, les ruisseaux sont alimentés par des eaux descendant du massif de Vosges. À l’est, l’Ill effleure la ville avant de poursuivre vers Strasbourg et se jeter dans le Rhin, dont elle est le principal affluent. La rivière de la Fecht, en provenance de la vallée de Munster, contourne Colmar au nord-ouest avant de se jeter dans l’Ill.
Dès le Moyen Âge, la Fecht a été déviée et canalisée. « Depuis 1478, Colmar avait obtenu de l’empereur Frédéric, la confirmation du droit de canaliser l’eau de la Fecht […] », écrit l’érudit Auguste Scherlen dans sa Topographie du Vieux Colmar (1922, page 99). Le canal de dérivation qui part de Turckheim servit d’abord à alimenter les fossés des remparts de Colmar. Mais il fut aussi « de tout temps une source essentielle de bien-être et une véritable bénédiction pour la ville en pleine extension ».
Ce canal pénètre dans la ville de Colmar par l’ouest, sous le vocable de Logelbach. Il longe les anciennes usines à papier et filatures (établissements Haussmann et Herzog), qui ont utilisé cette ressource en eau pour leur activité. Le Logelbach donne son nom à ce quartier partagé entre Wintzenheim, Colmar et Turckheim.
Au niveau de la rue des Poilus, le Logelbach se divise en deux bras. Le premier pique vers le nord et rejoint la rue de la Cavalerie, la rue du Pigeon, la route de Neuf-Brisach et se jette dans le port du Canal. Cette portion-là prend le nom de Brennbaechlein.

Pourquoi Brennbaechlein ?

Ce nom fait référence aux bouilleurs de cru et distillateurs qui s’étaient installés sur ses rives depuis le 16e siècle et dont les eaux-de-vie étaient réputées dans tout le Rhin Supérieur.

Le second bras du Logelbach se dirige vers le sud-est et entre dans le centre-ville de Colmar par la place de la Sinn. À cet endroit, le ruisseau est appelé Sinnbach. Il se dirige ensuite vers la place de Martyrs-de-la-Résistance puis vers la place de la Cathédrale et la rue de l’Église. Cette portion prend le nom de Muhlbach. Il poursuit son chemin vers le quarter des Tanneurs, où il prend le nom de Gerberbach et rejoint enfin la Lauch derrière le marché couvert.

Pourquoi Sinnbach, Muhlbach et Gerberbach ?

Le Sinnbach traverse la place de la Sinn, un lieu où l’on contrôlait autrefois les poids et mesures. Le verbe sinnen signifie jauger et bach se traduit par ruisseau. Le Muhlbach est une allusion aux différents moulins (Mühle signifie moulin) qui étaient implantés sur la place de la Cathédrale, et dont le dernier a fonctionné jusqu’en 1877. Enfin, Gerberbach, qui sillonne dans le quartier des Tanneurs, se traduit littéralement par… ruisseau des tanneurs.

Les ruisseaux et rivières ont permis à Colmar de se développer sur le plan agricole, commercial et industriel. La Lauch a joué un rôle important de ce point de vue. En provenance de la vallée de Guebwiller, la Lauch entre à Colmar par le sud et traverse la ville sur quatre kilomètres. Auparavant, elle rejoignait l’Ill au nord-ouest de Colmar. Mais, depuis l’ouverture du canal de Colmar en 1864, elle se jette dans le port du canal. Cette rivière a favorisé l’essor de la culture maraîchère colmarienne et ce, depuis le Moyen Âge. Les cultivateurs profitaient de ce cours d’eau pour transporter leurs produits par la voie des eaux, depuis leurs parcelles jusqu’au marché de la Krutenau, actuelle rue Turenne, ou jusqu’au marché couvert.
Par ailleurs, jusqu’au siècle dernier, les berges des cours d’eau accueillaient les lavandières, qui venaient y laver leur linge. C’était le cas sur la Lauch ou sur le Sinnbach. Cette pratique a perduré jusque dans les années 1960, époque où les appareils d’électroménager ont commencé à se répandre dans les foyers.

Quand la rivière fait des siennes

Si les cours d’eau ont assuré la prospérité économique de Colmar depuis le Moyen Âge, ils ont également joué des tours aux habitants… Auguste Scherlen relate les débordements multiples de la Lauch. « En 1421, à la Sainte-Lucie (13 décembre), il y eut une telle inondation que l’on dut mener gens et bêtes sur des bateaux en ville, pour les sauver de la noyade. En 1546, la veille de la Saint-Nicolas, les flots de la Lauch emportèrent le pont du Steinbruckertor. Tout le faubourg était sous l’eau, de sorte que l’on pouvait y circuler en bateau ; toutes les caves et les étables étaient inondées, les étangs débordaient et les digues étaient noyées, le jardin de l’Hôpital (Franciscains) ressemblait à un lac, etc… » (Topologie du Vieux Colmar, page 140)

Vue sur la Lauch depuis le boulevard Saint-Pierre, 1940-1950 (Archives municipales de Colmar / DR)

Sur ce canevas de ruisseaux se tisse également tout un réseau de fossés. Au cours de l’histoire, les Colmariens ont dérivé les cours d’eau pour répondre à différents objectifs : défense, assainissement, évacuation des eaux pluviales, etc.
Autour de l’enceinte médiévale de Colmar, un fossé a été creusé pour défendre la ville, à l’image des douves d’un château-fort. Des traces de cet ancien fossé existent encore, au travers du fossé connu sous le nom de Saugraben (fossé des porcs). Ce dernier suit le contour des anciennes fortifications : alimenté par le Logelbach, il courait entre la rue Golbéry et la rue des Ancêtres et entre les rues du Nord et de Thann, avant de se jeter dans la Lauch au niveau du clos de la Grenouillère. Maintenant inutilisé, ce fossé a été déclassé (sorti du domaine public) en 2000.
Par ailleurs, au Moyen Âge, la Lauch était dérivée au niveau du croisement entre le boulevard Saint-Pierre et la rue Turenne, à l’emplacement de l’ancienne porte Steinbruckertor extérieure, percée dans le rempart. Ce fossé s’écoulait entre les rues Schwendi et Saint-Josse, suivant là aussi le tracé des fortifications. Il a par la suite été supprimé. Mais la photo d’archives ci-dessous montre à quoi il pouvait ressembler au début du 20e siècle. Dans sa Topographie du Vieux Colmar, Auguste Scherlen évoque les traces de ce fossé : « La déclivité qui est encore visible çà et là le long de la rue Schwendi est en fait un vestige de l’ancien fossé de la ville. »
Les fossés servaient également à l’évacuation des eaux pluviales voire usées. L’un d’entre eux, le Schlüsselbaechlein (petit ruisseau des Clefs), s’écoulait à partir de la place des Martyrs-de-la-Résistance. Alimenté par le Muhlbach, il passait le long de la rue des Clefs, sous les cours intérieures des numéros impairs, puis sous la place Jeanne-d’Arc. Encore présent de nos jours, il rejoint ensuite une conduite d’assainissement au niveau de la rue du Chasseur.

Catharinengraben, ou ruisseau des Catherinettes

Les sœurs dominicaines de Sainte-Catherine se sont installées au début du 14e siècle à Colmar. Leur ancien couvent se dresse toujours rue Kléber. À leur installation, les sœurs font en sorte de disposer d’eau. « Elles obtinrent en date du 5 octobre [1310] le droit d’amener un petit cours d’eau à travers leur propriété en perçant l’enceinte », écrit Francis Lichtlé, ancien archiviste de la Ville de Colmar, dans le bulletin de liaison de la Société d’histoire et d’archéologie de Colmar de septembre 2022.
Sur une carte de 1933 dessinée par le service des canalisations de la Ville de Colmar, ce fossé est clairement identifié : depuis le couvent des Catherinettes, il passe sous la rue Rœsselmann et l’ancienne clinique Saint-Joseph avant de se diriger vers le nord jusqu’à atteindre le Logelbach.

Cours d’eau derrière les maisons de la rue Schwendi, début du 20e siècle (Archives municipales de Colmar / DR)

Aujourd’hui, renaturaliser les rivières

Le Muhlbach, à Turckheim

De nos jours, la compétence de la gestion des cours d’eau est détenue par Colmar Agglomération, qui l’a confiée à Rivières de Haute-Alsace. Cette structure comprend la Collectivité européenne d’Alsace et l’ensemble des syndicats de rivières du département.
De nombreux efforts sont faits pour renaturer les cours d’eau, c’est-à-dire leur permettre de retrouver un état naturel. En 2023, une portion du Muhlbach à Turckheim (en amont du Logelbach) a été restauré (https://c.colmar.fr/a-turckheim-le-canal-du-muhlbach-devient-riviere). Ancien canal, ce cours d’eau accueille désormais une faune et une flore variées. Fin mai 2023, la partie du Brennbaechlein qui longe le parking Scheurer-Kestner, à Colmar, a bénéficié de travaux similaires (https://c.colmar.fr/des-travaux-pour-redonner-vie-au-cours-deau).

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