Le guitariste Sébastien Giniaux, incontournable artiste de jazz, est au programme du Colmar jazz festival, qui se tient du 14 au 24 septembre 2023. Déjà présent au festival colmarien en 2022, il présente cette année son propre projet. Interview de ce musicien d’exception, qui a plus d’une corde à son arc.
L’année dernière, au Colmar jazz festival, vous avez joué dans le quintette “Acoustic Five” de Franck Wolf. Quels souvenirs en avez-vous ?
Sébastien Giniaux : C’était une expérience extraordinaire ! J’ai adoré jouer avec Franck Wolf et participer à son projet. D’autant plus qu’il s’agissait de mon premier concert après cinq mois où j’ai dû arrêter la musique à cause de problèmes de santé.
Vous revenez cette année à Colmar avec un projet personnel, intitulé “D’ici-danses quartet”, aux côtés de Laurent Derache à l’accordéon, Damien Varaillon à la contrebasse et Romain Sarron à la batterie. Pouvez-vous nous en parler ?
S. B. : C’est un projet qui me tient particulièrement à cœur, pour lequel j’écris moi-même la musique. J’ai un long CV de “sideman” (musicien accompagnateur, Ndlr) et mon dernier projet personnel doit remonter à 2012 ! “D’ici-danses quartet” a subi les affres du Covid-19, car nous avons commencé à jouer en 2019 mais nous avons rapidement dû arrêter. J’ai ensuite rejoint le trio de Richard Galliano, je suis devenu papa… Jusqu’à fin 2022, mon projet était en stand-by.
Musicalement, si j’ai une casquette de guitariste de jazz manouche, je pense qu’on peut entendre d’autres influences dans mes compositions : jazz contemporain, musiques du monde, etc. Je qualifie mon style de “jazz mélancolique contemporain”. J’aime bien la musique qui produit des sentiments, quels qu’ils soient.
Composez-vous depuis longtemps ?
S. B. : J’ai toujours écrit des morceaux. Plus jeune, dans le cadre de mes stages de violoncelle, je composais des concertos pour les copains, de manière ludique. Puis, adolescent, j’ai commencé à écrire des chansons au moment où j’ai rencontré le compositeur Babx.o, je suis devenu papa… Jusqu’à fin 2022, mon projet était en stand-by.
Quel est votre processus de composition ?
S. B. : Pour beaucoup de projets, en particulier quand j’écris pour des chanteurs, j’écris “à la table”, sans instrument. Je me pose et je cherche une mélodie de départ. Je crée ensuite un canevas, une harmonie, avant d’explorer d’autres chemins harmoniques, plus complexes.
En revanche, pour ce projet, je n’ai pas fonctionné de la sorte. J’ai tout écrit à la guitare. Je pars d’un arpège, d’un accord ou d’une mélodie, puis je pousse la mélodie, triture les accords…
La composition permet de comprendre les chemins que tu prends quand tu improvises, mais aussi de trouver de nouveaux chemins et d’ouvrir de nouvelles portes.
Vous êtes multi-instrumentiste, mais la guitare reste votre instrument de prédilection. Dans votre nouveau projet, elle est également mise en avant. Quand et comment avez-vous découvert la guitare ?
S. B. : À l’origine, je voulais faire du violon, comme mon frère, mais assis [Rires] ! À l’âge de 6 ans, j’ai commencé les cours de violoncelle. Ce n’était donc pas véritablement choisi. J’ai appris à aimer cet instrument plus tard. En revanche, je me suis mis à la guitare par choix. Quand j’avais 16 ans, j’ai rencontré un musicien qui s’appelle Kamlo. Je ne connaissais pas encore le jazz manouche. Il a fait une intervention dans une école de musique. Il a sorti sa guitare, a fait trois notes et je suis devenue taré, obnubilé par cet instrument ! Ensuite, je me suis procuré une guitare et j’ai écouté tous les grands noms.
Quel est votre rapport avec les autres musiciens du groupe ?
S. B. : Les artistes qui m’accompagnent sont des musiciens de qualité mais aussi des personnes avec lesquelles je m’entends bien. Il y a quelques années, l’accordéoniste Laurent Derache et moi avons participé à un trio aux côtés d’une chanteuse de flamenco. Musicalement, notre collaboration est très fluide, car nous avons une vision commune.
Un autre aspect entre en jeu. Il faut savoir que j’ai exploré les musiques traditionnelles et le jazz manouche car je suis attaché à la question des racines. Dans les Balkans ou à Cuba, les musiques traditionnelles restent très vivantes. Ce rapport à la musique me passionne. Écouter ces musiques, c’est comme rentrer chez soi, c’est un refuge. Dans les racines du jazz manouche, il y a une tradition d’accordéon qui est très belle, issue des bals populaires. Tout cela, c’est en moi, car le jazz manouche est une musique née à Paris et dans ses environs, d’où je viens. Alors l’accordéon était un choix évident.
J’ai croisé le contrebassiste Damien Varaillon dans de nombreux contextes. C’est pourquoi j’ai naturellement pensé à lui pour ce projet, car il a une culture très forte de jazz contemporain et il n’a pas peur des crossover (croisement des styles, Ndlr). Enfin, Romain Sarron est un batteur que j’admire et qui a joué avec les plus grands.
Comment pouvez-vous décrire l’esprit de vos concerts ?
S. B. : Je suis extrêmement détendu sur scène. C’est le meilleur moyen d’être énergique et de bien jouer. Je me permets de rigoler avec le public, de parler aux spectateurs entre les morceaux, avec de l’humour, comme dans la vraie vie ! J’aime ce contraste avec la mélancolie de ma musique.
Quand tu es artiste, je pense que tu dois être sincère avec toi-même et produire la musique que tu as envie de produire. Si ton art te remplit, alors cela plaira au public.
Vous allez également mener une masterclass au Colmar jazz festival. Que pensez-vous de ce format ?
S. B. : J’aime beaucoup les masterclass et l’enseignement. Cela permet de découvrir les chemins par lesquels tu es toi-même passé, dans le cadre de ton apprentissage. Par ailleurs, j’ai remarqué que la détente et la relaxation manquent souvent chez les musiciens. Or, j’ai trouvé des clefs qui permettent de débloquer des choses, et je les transmets dans le cadre de ces masterclass.
Sébastien Giniaux
Né en 1981, guitariste, violoncelliste, compositeur et peintre, Sébastien Giniaux est aujourd’hui l’un des représentants incontournables de la guitare jazz française, internationalement reconnu comme l’un des meilleurs musiciens de style jazz manouche.
Après de nombreuses collaborations dans des styles aussi variés que le swing manouche, le jazz, les musiques d’Afrique de l’ouest ou balkaniques, des projets en tant que leader et plus d’une vingtaine d’enregistrements, Sébastien Giniaux présente aujourd’hui son nouveau quartet (“D’ici-danses quartet”), autour d’un répertoire de compositions personnelles.
Il est en concert avec le “D’ici-danses quartet” le 14 septembre dans le cadre du Colmar jazz festival à la salle Europe, avec Melkoni project en première partie, dès 20h30. Il donnera également une masterclass le 13 septembre à 17h dans le foyer du Théâtre municipal.
De la musique dans tous les sens !
Du 14 au 24 septembre 2023, la programmation du Colmar jazz festival mettra tous vos sens en éveil ! Le guitariste Sébastien Giniaux, le pianiste Tigran Hamasyan et la trompettiste Lucienne Renaudin-Vary, parmi bien d’autres artistes, seront au rendez-vous.
Le festival Jazz Off, du 7 au 16 septembre, proposera au public de nombreux concerts éclectiques, synonymes de belles découvertes.
+d’infos : la page Facebook “Jazz Off Colmar” et sur